La vidéo comme accélérateur de la progression sportive (et plus… !)

22 Dec 2017 — 9 minutes
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Les acteurs du monde de l’équitation estiment parfois évoluer dans un sport poussiéreux. Nous avons pu constater par bien des aspects qu’il est pourtant à la pointe en matière de pédagogie et d’utilisation de certaines technologies, et notamment la vidéo.


Sur quelques exemples, et sans prétendre tout connaître, nous pouvons identifier deux aspects majeurs de la progression sportive avec la vidéo :

  • La vidéo accélère la progression sportive
  • Cela se fait souvent (mais pas toujours) avec une évolution des méthodes pédagogiques

Les techniques vidéo

Nous avons choisi d’illustrer ces deux points au travers du parachutisme, de l’équitation, et du surf. Le parachutisme est probablement le sport qui pousse le plus loin l’utilisation de la vidéo. L’équitation est probablement l’un des sports les plus anciens, et il implique un animal avec qui la communication ne tombe pas sous le sens ; de ce fait il a développé des techniques pédagogiques longuement réfléchies et testées. Le surf est un sport récent et peut-être encore suffisamment peu normé pour tester rapidement de nouvelles techniques pédagogiques.

L’exemple incroyable du parachutisme

Parachutisme

Parachutisme

  1. Au début des années 90, les moniteurs ont commencé à sauter en même temps que les élèves en chute libre dès le premier saut et en les filmant, au lieu de leur faire faire une dizaine de sauts en ouverture automatique 3 secondes après le saut par une sangle attachée dans l’avion qui extrait le parachute. En seulement 2 ou 3 ans, 100% des écoles dans le monde ont modifié leur pédagogie, abandonné la sangle d’ouverture automatique au profit de chutes libres accompagnées et avec vidéo. Au sol, de longues minutes sont consacrées au débriefing, puis à la préparation du saut suivant pour améliorer ce qui doit l’être et/ou passer aux apprentissages suivants. La vidéo est donc utilisée pour 100% des débutants. Ils apprennent en 10 sauts (soit une semaine de stage) ce que les autres apprenaient en général en 50 sauts (soit environ 1 an) sans la vidéo.
  2. La plupart des disciplines du parachutisme, comme par exemple le Vol Relatif, utilisent la vidéo pour débriefer tous les sauts d’entraînement. Une équipe de compétition ne saute jamais sans un caméraman qui saute avec eux et les filme quelques mètres au dessus d’eux. L’équipe débriefe tous les sauts, quelques minutes après l’atterrissage, pour tenir compte des points à améliorer dans la préparation des sauts suivants.
  3. La plupart des disciplines du parachutisme utilisent également la vidéo comme seul moyen de jugement pendant les compétitions. Le caméraman, là aussi, saute avec son équipe. Il donne les images aux juges dès l’atterrissage. Un mauvais cadrage peut sanctionner l’équipe, le caméraman fait donc complètement partie de l’équipe.
  4. Certaines disciplines, comme le FreeStyle, attribuent une note artistique à la prise de vue. Le caméraman devient l’un des performers de l’équipe, et plus seulement un prestataire de service.

En raison de ces 4 points développés ci-dessus, le parachutisme nous semble le sport qui pousse le plus loin l’utilisation de la vidéo.

L’exemple très high-tech de l’équitation

saut d'obstacles

saut d'obstacles

Les acteurs du monde de l’équitation estiment parfois évoluer dans un sport poussiéreux. Nous avons pu constater par bien des aspects qu’il est pourtant à la pointe en matière de pédagogie et d’utilisation de certaines technologies, et notamment la vidéo.

L’équitation fait face à une spécificité : il faut former le cavalier mais aussi le cheval ! Et la communication avec un animal ne tombe pas sous le sens. On constate une très grande variété de techniques pédagogiques, chaque écurie de haut niveau ayant quasiment la sienne, formalisée et explicite. Cela vient probablement du fait que les chevaux, comme les Hommes, sont des êtres complexes qui demandent une adaptation permanente des techniques pédagogiques pour s’adapter à chacun d’eux. Dans ce sport, ce n’est pas seulement l’entraînement et les progrès qui font l’objet des discussions quotidiennes, c’est souvent la pédagogie elle-même. L’appel d’air pour utiliser toutes les innovations techniques nous semble donc très fort.

Sur le plan de la technique vidéo (on évoquera plus loin les techniques pédagogiques), nous constatons que l’équitation utilise une grande palette d’outils vidéos :

  1. Des smartphones ou des tablettes tenues à la main, pour un commentaire quasi immédiat, ou des caméras tenues à la main, pour une utilisation immédiate sur le terrain ou a posteriori. La difficulté reconnue par les coachs est que pendant qu’ils filment un entraînement ils ne parviennent pas à observer avec autant d’acuité, et perdent des informations que la vidéo ne retranscrit pas toujours bien. La qualité de la vidéo est rarement exploitable pour la communication ou pour un souvenir de qualité, sauf à avoir une certaine expérience du tournage et à utiliser un trépied avec une rotule bien fluide.
  2. Certains coachs utilisent des robots caméraman, pour filmer avec une bonne qualité pour un débriefing a posteriori, tout en observant et en coachant en temps réel avec toute l’acuité habituelle. Ces robots orientent la caméra vers le cavalier qui porte un tag (montre ou brassard), et zooment automatiquement pour conserver un cadre relativement serré autour du cheval.
  3. Lorsqu’il s’agit de filmer une compétition, il n’y a pas de coaching immédiat, et il est donc souvent plus facile qu’en entraînement d’avoir un groom, un coach ou un ami qui filme.
  4. Les cavaliers utilisent aussi des équipements vidéo qui, en plus d’enregistrer leur séance, retransmettent la vidéo par internet à un coach qui peut être très loin (par exemple dans un autre pays), et qui peut parler au cavalier en direct par une oreillette ou des haut-parleurs. Il faut pour cela utiliser des services internet en temps réel comme Skype, Facetime ou des équivalents, plutôt que les outils classiques de streaming qui ont un délai aléatoire de 15 à 60 secondes.
  5. Certaines écoles commencent à utiliser des équipements vidéo automatiques qui retransmettent la vidéo en léger différée de quelques minutes, tout au long de la journée, afin que le cavalier et le coach puissent commenter un exercice juste après l’avoir fait.

Le surf

Le surf est un exemple particulièrement intéressant : c’est un sport jeune, comme le parachutisme, la vidéo y est utilisée en pédagogie comme dans bien d’autres sports, mais de façon très partielle, et la transition est beaucoup plus lente qu’en parachutisme. Les principaux bénéficiaires de la vidéo sont surtout les élèves qui s’entraînent à l’année à la compétition. On peut imaginer les freins : la difficulté technique d’utiliser du matériel vidéo sur une plage qui est un milieu assez agressif pour le matériel, la difficulté pour une personne seule d’organiser à la fois la prise de vue, l’enseignement, et la sécurité lorsqu’il ne s’agit pas d’élèves complètement autonomes. Et ces élèves qui ne sont pas complètement autonomes forment la grande majorité des pratiquants qui prennent des cours. Enfin, de nombreux pratiquants, même compétiteurs, s’entraînent la plupart du temps seuls, sans les moyens financiers pour avoir un caméraman. Les robots ont naturellement fait leur apparition. L’un des aspects qui nous intéressent particulièrement réside dans les innovations pédagogiques que nous avons constaté à la suite de l’utilisation de robots : certains coachs ont pris le parti, comme en parachutisme, de faire progresser plus vite les débutants en étant à la fois avec eux dans l’eau pour qu’ils prennent des dizaines de vagues par sortie plutôt que trois ou quatre en étant seuls, ET d’avoir la vidéo grâce à un robot sur la plage pour des débriefings ! Encore un luxe pour les débutants, l’avenir nous dira si ces méthodes se généralisent ou non.

La pédagogie sportive et la vidéo

Au delà de la technique utilisée pour filmer, il y a la technique pédagogique, la façon d’utiliser les images pour accélérer la progression. D’une part ces techniques sont variées, nous en listons quelques unes ici. D’autre part, il est intéressant de noter que la pédagogie a parfois innové pour profiter le plus possible de la vidéo.

  1. La technique pédagogique la plus simple et la plus répandue est une « copie » du coaching en temps réel, effectuée en visionnant une ou plusieurs fois la vidéo. Le coach et l’élève observent la vidéo, et échangent quasiment de la même façon qu’ils auraient pu le faire en temps réel. Les avantages sont qu’il est plus facile d’échanger, il est possible de revoir plusieurs fois des séquences, le sportif se voit de l’extérieur ce qui l’aide à prendre conscience de ses gestes et postures, ce qui fait progresser la proprioception du sportif. L’environnement du sportif est aussi plus facile à décrypter, notamment l’attitude du cheval s’il s’agit d’équitation, la lecture de la vague s’il s’agit de surf.
  2. La technique qui utilise la vidéo en temps réel transmise par internet, avec retour audio du coach dans une oreillette est de plus en plus répandue. Du point de vue pédagogique elle n’apporte pas ou peu d’innovation, il s’agit surtout d’une innovation technologique pour avoir plus de cours et qu’ils coûtent moins cher qu’un déplacement du coach et/ou de l’éleve.
  3. Sans passer par tous les intermédiaires, les techniques les plus poussées dont nous avons connaissance, qui sont utilisées en coaching vidéo consiste à enchaîner les étapes suivantes de façon plus ou moins détaillée :
  • Débriefer sans la vidéo en faisant uniquement appel aux souvenirs et sensation de l’éleve. C’est lui qui fait son débriefing, le coach n’intervient que pour pousser l’éleve à le faire.
  • Regarder la vidéo sans commentaire
  • L’éleve fait ses commentaires seul, le coach n’intervient que pour pousser l’élève à le faire
  • Le coach commence ensuite à relativiser et questionner l’élève sur les points qu’il souhaite reprendre, si l’éleve ne les a pas vu ou les a mal interprêté, ou si le coach doit introduire des notions nouvelles.
  • Préparation avec le coach des exercices suivants en tenant compte des résultats précédents.

Ces approches doivent permettre à l’éleve de développer au maximum sa proprioception et sa technique. La rapidité des progrès réalisés, en comparaison des méthodes sans vidéo, est stupéfiante pour tous ceux qui y ont goûté. Bien souvent, quand on a connu le coaching vidéo, on ne peut plus revenir en arrière !

Conclusion

On pourrait être tenté de conclure que les sports les plus chers sont ceux qui exploitent le plus la vidéo, et poussent plus loin les techniques d’entraînement, car les pratiquants seraient plus poussés à obtenir des résultats.

Nous réfutons néanmoins cette idée, car il y a bien des disciplines qui demandent moins de moyens que le parachutisme ou l’équitation et qui poussent extrêmement loin les techniques d’entraînement, comme la danse, le patinage, la gymnastique, le golf, la plupart des sports collectifs, et de nombreux autres encore! Ce qui nous semble certain, c’est que lorsque la vidéo entre dans le sport, on ne revient pas en arrière tant les intérêts sont vite perçus. N’hésitez pas à nous faire part de vos expériences en pédagogie sportive et dans la façon dont la vidéo fait évoluer votre sport !